Mon top 5 des récits de voyage à bicyclette 2023
Cette année encore, entre les plus de soixante récits de voyage à vélo publiés, le choix n’a pas été facile. D’autant que tous n’ont pas été lus, rendant cette sélection annuelle sûrement incomplète, imparfaite, subjective. Certains textes, déjà présentés dans la revue, auraient également mérité d’y figurer ! Il faut l’accepter, l’objectif de ce Top 5 présent sur le site du Randonneur depuis 2016 étant de proposer de bons moments de lecture, à travers des ouvrages recommandés pour leur qualité, originalité, sensibilité. Laissez-vous séduire et bon voyage à vélo.
Jean-Yves Mounier
Cécile & Cyril Colle
Rouler comme dans un rêve
160 pages, 25 €, Autoédition disponible sur le site dédié
Cinq jours après leur départ, les jeunes marié.e.s lâchent, tout étourdi.e.s par la nouveauté : « Nous n’en revenons toujours pas d’être ici, maintenant, à vélo, tous les deux ». Spontanéité qui aurait pu s’interrompre rapidement, tant les péripéties du voyage à vélo sont parfois rédhibitoires, mais… ils vont pédaler pendant onze mois, visité neuf pays sur trois continents et parcourir plus de 11 000 km. Dès les quatre premières pages de leur ouvrage, Cécile et Cyril offrent à leur lectorat un véritable résumé de ce qu’est le voyage à vélo, ses attentes, ses remises en cause, ses ouvertures vers soi-même et le monde… En interpellant fréquemment lectrices et lecteurs, le couple crée une véritable complicité, agrémentant le propos d’illustrations originales et de réflexions spontanées, signe du bonheur pris lors de ce périple au long cours.
Un grand format, des photos de qualité et un récit captivant, tous les ingrédients sont réunis dans ce livre auto-édité avec grand soin et en font déjà un classique du genre digne de figurer dans toutes les bibliothèques d’amateurs de récit de voyage à vélo.
Isabel Del Real
Plouheran, à vélo de Bretagne à Téhéran
288 pages, 35 €, Autoédition disponible sur le site dédié
Inutile de rechercher Plouheran dans un atlas, vous ne trouveriez pas de lieu ainsi dénommé ! Il s’agit en fait d’un mot-valise, fait de Plouër – accessoirement sur-Rance, petite bourgade nord-bretonne – et de Téhéran, départ et arrivée d’une incroyable épopée à bicyclette pour celle qui se demandait avant de partir : « Que faire sinon aller à vélo à Téhéran, à pied, c’est trop long ». Isabel n’a aucune expérience en la matière, elle ne sait même pas si elle aime le vélo et pour elle, la Bretagne-Sud, c’est déjà l’aventure…
Dans ses sacoches, en plus du matériel habituel et strictement nécessaire, elle emporte carnets, crayons, peintures et pinceaux, elle veut dessiner et vivre au maximum cette aventure dont elle se demande souvent quel en est le sens véritable. Au fil des rencontres, des frayeurs nocturnes, des paysages sublimes ou plus ordinaires, elle va suivre sa route, rencontrer l’amitié et le partage, et donner naissance à un superbe roman graphique tout en noir et blanc, juste agrémenté en sa fin d’un lumineux carnet d’aquarelles, sorte de pendant à des dessins souvent nocturnes et au noir très foncé. Le récit est attachant, et même si Isabel se demande finalement comment évoquer ce qu’elle aime, elle parvient parfaitement à nous entraîner dans ses roues.
Jean-Pierre Poinas
Rome, sous les pierres comme au ciel
160 pages, 18,90 €, Elytis
« De l’errance d’un cycliste correctement déboussolé surgissent des merveilles natives ». Cette errance, Jean-Pierre va l’exercer sur les collines de Rome, allant sans relâche sur son vélo gravel à la rencontre de lieux et de personnages plus ou moins emblématiques de la capitale italienne, au gré des rencontres, des anecdotes, d’un accident même qui va lui permettre de découvrir une autre de ces innombrables églises qu’il prend tant de plaisir à visiter !
Il pourrait s’agir ici d’un habituel guide touristique de la ville mais il n’en est rien ; l’auteur teinte son récit d’une ambiance digne des meilleurs romans policiers, la pimente d’une touche de surnaturel sans négliger pour autant un côté très érudit dans son propos.
Nul besoin d’être un grand connaisseur de la « ville éternelle » pour goûter toute la saveur de ce texte au ton irrévérencieux et humoristique et se régaler de la vision très personnelle portée sur les œuvres picturales et sculpturales, plus charnelles que formelles !
Matthieu Stelvio
Les reliefs éphémères
156 pages, 9,95 €, BoD
En 2020, j’avais déjà placé Matthieu Stelvio et Les immensités secrètes (156 pages, 8,95 €, Books on Demand) dans mon Top 5, conquis que j’avais été par la qualité du texte et la poésie qui s’en dégageait. Dans ce nouvel ouvrage, le troisième consacré au voyage à vélo, Matthieu délaisse les grandes étendues de Scandinavie et s’en va en « voyage au-delà des neiges andalouses », en route vers Gibraltar. Lui qui pensait autrefois que se projeter dans l’avenir l’empêcherait de profiter de l’instant est maintenant plus serein, plus confiant envers les autres et lui-même et peut jouir de la lenteur et de la douceur qu’offre la bicyclette, hors des modes et de la folie humaine.
Hymne d’amour à l’Auvergne, déception de la Costa Brava, ascension du pico de Veleta et surtout sa descente épique par un sentier, rien ne manque pour rendre la lecture palpitante jusqu’au pays des cigognes. Et, pour l’auteur, se rendre compte que la béatitude tant recherchée n’est nulle part et qu’il est peut-être mieux de « poursuivre des sommets inatteignables », de « tracer un chemin […] , écrire une histoire et rêver de la suivante ».
Tazab
Les Pyrénées de Victor Hugo
128 pages, 25,90 €, Elytis
« Victor a mal aux fesses ». Voici bien un incipit qui mériterait de figurer dans toute anthologie du genre et nous fait entrer clairement dans l’univers très imaginatif de Tazab. Victor, c’est Victor Hugo, la cause de son mal postérieur n’est pas le vélo mais la banquette mal rembourrée de la malle-poste qui le conduit, en 1843, en compagnie de Juliette Drouet son amante, vers Biarritz, pour une traversée des Pyrénées qui le mènera jusqu’à Cauterets.
Cent soixante-dix-neuf ans plus tard, Tazab se lance dans une « épopée cyclo-romantique » sur les traces du grand écrivain, allant jusqu’à prolonger l’aventure jusque sur les bords de la Méditerranée. Pour raconter ce périple, le médecin auvergnat va utiliser tous les styles à sa disposition, qu’ils soient littéraires ou graphiques. Il n’hésite pas à prendre Victor sur son porte-bagages, il lui envoie des cartes postales et s’appuie sur le texte de ses impressions de voyage et du journal de Juliette rédigé sur le vif (regroupé dans Voyage aux Pyrénées, édition de 2014, Cairn) pour faire vivre le sien, l’illustrant de très belle manière avec humour et dérision.
Déjà présenté dans Le Randonneur n° 84, cet ouvrage pas comme les autres est un digne successeur de Dordogne, de la source à l’océan, chroniqué lui aussi dans les pages « Bibliothèque » du Randonneur n° 77.