Cette année encore, une bonne quarantaine de récits de voyage à bicyclette ont été publiés en langue française et il n’a pas été possible de les lire tous, d’autant qu’un bon nombre d’entre eux sont parus en fin d’année, rendant ainsi impossible leur sélection dans ce Top 5 annuel.
Cependant, les cinq ouvrages présentés ci-dessous, de manière subjective et par ordre alphabétique, sauront combler le plus exigeant des lecteurs, lui apportant variété et qualité pour de très nombreuses heures de lecture en compagnie de cyclo-voyageurs soucieux de faire partager avec talent leur passion.
Jean-Yves Mounier
Paul BABLOT
Du Mékong à la Place Saint-Pierre.
408 pages, 20 €, Éditions Première Partie.
Paul Bablot a parcouru « 20 000 km à la rencontre des Chrétiens » comme le précise le sous-titre de son récit dans lequel il n’hésite pas à laisser apparaître sa foi – il évoque la Providence, il raconte son bonheur d’assister à la messe dans des lieux souvent improbables, il se place sous la protection du Christ – mais cet aspect, qui pourrait se révéler redhibitoire pour qui ne partage pas ses convictions, fait en réalité la force de ce récit authentique, riche en détails historiques et culturels, qui nous transporte avec entrain dans des pays où chaque rencontre avec une communauté chrétienne, souvent minoritaire, parfois persécutée, est l’occasion d’en apprendre plus sur le dit pays, ses habitants et, parfois, leur relation avec la religion.
Le lecteur ne partagera pas forcément l’analyse politique de l’auteur sur Israël ou le Kosovo, par exemple, mais il ressortira de cette lecture captivante plus oecuménique.. à défaut d’être converti.


Pascal BÄRTSCHI
Six ans à vélo autour du monde.
292 pages, 24 €, Éditions Favre.
« One world, one bike, one dream », le slogan choisi par Pascal pour résumer sa nouvelle vie, traduit de la plus simple des manières l’orientation qu’il souhaite donner à sa vie. Rêvé pendant dix ans, ce voyage lent sur les routes du monde, voulu au départ sans limitation de temps, va transformer durablement le jeune Suisse qui nous propose ici un récit tout en simplicité, écrit avec une certaine « neutralité » propre à sa nationalité et sans doute imposée par la longueur du parcours et la nécessité de le faire entrer dans un livre de trois cents pages abondamment illustré par les photos de l’auteur.
Déjà présenté dans le Randonneur n° 72 de janvier 2020, ce récit autour du monde est appelé à devenir un classique du genre, indispensable dans toute bibliothèque d’amateur du genre.
Johan DAVID
Mon tour du monde à vélo.
192 pages. 17,90 € – Éditions Bonneton.
Format à l’italienne, texte alerte et souvent empreint d’auto-dérision, richesse photographique et qualité de la mise en page, tout est ici mis en œuvre pour rendre ce récit d’un voyage de quinze mois à travers le monde – exception faite de l’Afrique et de l’Amérique du Sud – indispensable et le ranger parmi les réussites de l’année. Les thèmes habituels de ce genre de narration sont abordés avec franchise et sans fioritures inutiles. Obtention de visas, réponses aux sollicitations quotidiennes des autochtones, charme des nuits sous la tente, rien n’échappe à la plume de Johan qui n’oublie pas non plus d’évoquer le problème des chaussettes sèches ou le supplice de manger épicé, rendant ainsi son récit singulier et personnel.
Un ouvrage hautement sympathique qui se lit d’une traite et permet de voyager à distance vers des destinations classiques mais pourtant à redécouvrir lors des longues soirées d’hiver à venir.


Kate HARRIS
Sur les terres des frontières perdues.
368 pages, 22,50 €, Arthaud.
« Voyager à vélo, c’est prendre au sérieux les platitudes de la vie : la faim, la soif, l’amitié, la météo, le clapot du monde sous nos pas. »
Après avoir rêvé de Marco Polo et de voyage vers Mars, Kate découvre le voyage à vélo et sa « quotidienneté » qu’elle résume si bien dans la phrase d’introduction à ce texte. Tibet, États-Unis et surtout routes de la soie entre Turquie, pays en -stan et Chine, elle va, à travers ce récit qui articule éléments autobiographiques et impressions de la route, donner un nouveau sens à sa vie et s’apercevoir, en arrivant en Inde, que « ce n’était pas un but à atteindre, mais une excuse pour partir ». Avec son amie Mel, elle ne savait, dans sa prime jeunesse qu’aller trop loin, elle va ici aller tout simplement très loin pour s’interroger sur ce que sont les frontières, matérielles ou humaines, sur la nécessité de rester émerveillée, sur le besoin impératif d’une vie pleine de défauts.
Un très beau témoignage à déguster goulûment, comme une existence dévorée à pleines dents.
Emmanuel RUBEN
Sur la route du Danube.
608 pages, 23 €, Payot.
Remonter le cours du fleuve comme on remonte le cours de l’Histoire ; aller à rebours pour mieux appréhender la source, celle du fleuve mais aussi, et surtout, celle de l’identité européenne. Comprendre comment l’Est, pourtant peu considéré dans l’histoire officielle du Vieux Continent, fait partie intégrante des racines européennes et l’a enrichi au fil des siècles. Le projet d’Emmanuel Ruben est vaste, ambitieux, original et de sa pédalée le long du fleuve mythique, il va rapporter ce texte dense et extrêmement documenté qui demandera certes un effort de la part du lecteur mais qui lui procurera ensuite d’indicibles joies.
Présenté dans le Randonneur n° 71 de septembre 2019, cet « objet hybride entre le roman-fleuve, le manuel d’évasion – sorte d’usage de l’Europe à bicyclette – et l’atlas géopoétique » restera longtemps dans la mémoire de quiconque aura osé y plonger.
