Humour
Confinement final
Par Paul Fabre
Ballades du Confinement et du Déconfinement
(Se chantent sur l’air des Dames du temps jadis de Villon, sur la musique de Georges Brassens)
Depuis le lundi 11 mai,
On voit des gens dans les ruelles,
Des vieillards et des nouveau-nés,
Des dames et des jouvencelles ;
On voit même des demoiselles
Qui vont rejoindre leur amant !
À la raison je les rappelle : )
Où est donc leur confinement ? ) bis
On voit des gens se promener
À Paris, à Ramatuelle,
Au Cap Ferrat, au Cap Gris-Nez,
À Pornic, à Port-La-Nouvelle ;
On en voit même en ribambelle
Se bisouter impunément !
À la raison je les rappelle : )
Où est donc leur confinement ? ) bis
Hier j’ai vu des déconfinés
Qui postillonnaient à la pelle
Et qui envoyaient par le nez
Mille crachouillis pêle-mêle ;
Je leur remonte les bretelles
Devant un tel comportement !
À la raison je les rappelle : )
Où est donc leur confinement ? ) bis
Prince, ne faites pas de zèle,
Masquez-vous et restez prudent !
Loin de nous la triste nouvelle : )
Qu’on revienne au confinement ! ) bis
Jean Trouillard, poète.
Depuis le lundi 11 mai,
La gaîté est universelle :
On peut enfin se promener
Et s’envoler à tire d’ailes ;
Foin du virus, de ses séquelles,
De nos peurs et de nos tourments !
Chantez, dansez, la vie est belle : )
Vive le déconfinement ! ) bis
On pourra aller au ciné,
Et à l’école maternelle,
Puis au collège et au lycée,
Au bistrot ou à la chapelle ;
On pourra même en ribambelle
Aller nager dans l’océan !
Chantez, dansez, la vie est belle : )
Vive le déconfinement ! ) bis
Hier j’ai vu un déconfiné
Tout épris d’une ardeur nouvelle
Jeter son masque sans regret
Et chanter cette villanelle :
« Sacré virus, à la poubelle,
Et restes-y cinq cent mille ans ! »
Chantez, dansez, la vie est belle : )
Vive le déconfinement ! ) bis
Prince, oyez la bonne nouvelle :
C’est la fin des emmerdements !
Chantez, dansez, la vie est belle : )
Vive le déconfinement ! ) bis
Jean Rigolard, poète.


Voyager en temps de confinement
Par Philippe Derny
J’ai voyagé autour de la table de la salle à manger
En ces temps de confinement, l’imagination doit être au pouvoir. Bien sûr, j’aurais pu me lancer dans une pratique sportive « en chambre » ou « à la cave » avec tapis de course, vélo elliptique, vélo d’appartement ou home-trainer. J’aurais pu faire du stretching ou du yoga. Mes amis auraient applaudi devant mon courage et m’auraient cité en exemple. J’ai honte d’avouer que le courage m’a manqué et que j’ai laissé l’imagination me pousser du coude !
J’ai décidé de voyager autour de la table de salle à manger.
C’est pratique car suivant l’endroit où je place le siège autour de la table, je peux voyager par exemple vers l’est mais seulement à partir de la fin de la matinée car le matin, un soleil éblouissant gâche un peu le paysage, donc le voyage. Vers le sud, c’est plus intéressant. Cela fait penser aux beautés méditerranéennes, ciel bleu limpide, chaud soleil printanier.
Tout ce qu’il faut pour le Papy !
Au sud en ce moment, je vois passer les merles au chant mélodieux, les tourterelles turques au vol nuptial tout à fait curieux, les corbeaux croassant, les mésanges à tête noire, le couple de rouges-gorges familier et les méchantes pies qui m’inquiètent quand elles regardent d’un peu trop près ma vieille tortue. Être oiseau, c’est voir le paysage de haut. Savez-vous que la France est belle vue d’en haut ? Un jour de la semaine dernière, je n’ai aperçu aucun oiseau de la journée. J’ai cru un moment qu’ils étaient aussi confinés sur ordre du gouvernement. En fait, deux par deux, ils se préparaient un bon petit nid douillet pour une future famille.
Dans la salle à manger, il n’y a pas quatre fenêtres et donc il me manque le nord et l’ouest. Au prochain confinement, je m’installerai au second étage. De là-haut vers le nord, je pourrai survoler les collines et la forêt domaniale de Montmorency. Je pourrai apercevoir des chevreuils, des sangliers accompagnés de truies et de marcassins. Ils sont tranquilles en ce moment, pas près de voir des chasseurs.
Vers l’ouest, je peux espérer sentir le vent du large mais pas de chance, la mer est trop loin. Mon regard se tourne néanmoins vers la limite du quartier qui ne manque pas d’intérêt. C’est là que se trouve la supérette, lieu d’évasion. On rêve d’y trouver de quoi faire de bons petits plats. C’est fou ! La cuisine est devenue une occupation essentielle.
Au fait, on est quel jour ? Je dirais dimanche car à 11 heures, je n’entends pas de bruit dans la rue. Tu me dis que cela ne prouve rien, qu’avec le télétravail, l’école à faire aux gosses et leurs chahuts toute la journée, les jeux ou la télé jusqu’à des 1 heures du matin, on ne démarre pas la journée très tôt. Moi, je t’assure qu’il n’est pas encore 10 heures ou qu’il est déjà plus de 19 heures. D’ailleurs, est-ce-que tu vois des joggeurs dans la rue ? Non, donc c’est la première hypothèse qui est la bonne. Au fait, qu’est-ce-que l’on mange ce midi ? Revenons-en à l’essentiel.
La table de salle à manger, c’est pratique pour voyager. Vous prenez une carte Michelin par département : la 313 par exemple. Elle vous fera voyager en Haute-Marne. Vous fermez comme moi les yeux et vous pointez un endroit sur la carte. Tiens, ça tombe sur Vitry-le-François et tout de suite paf ! vous vient en mémoire la spécialité culinaire de l’endroit : les cuisses de grenouilles. Y’a pas plus français que ce plat. Avec le Brexit, plus question d’en servir aux Anglais.
Le nez sur la carte routière, je me vois en train de longer le canal de la Marne à la Saône, de naviguer sur le lac du Der-Chantecoq et puis c’est Saint-Dizier où l’on va retrouver des souvenirs de Paname dans les anciennes fabriques de fonte : fontaines du philanthrope Wallace, entrées de métro ou balustrades d’Hector Guimard, représentant de l’Art Nouveau. Le doigt suit une petite départementale qui a la célèbre bordure verte inventée par Michelin. Je grimpe sur le plateau (aïe, ça fait mal aux jambes ! Ce n’est pas la montagne mais ça fait mal rien que d’y penser). Ensuite, le doigt arrive à Joinville qui a un pont mais ce n’est pas celui auquel vous pensez. De Chaumont, il ne reste plus qu’à faire preuve d’un peu d’imagination pour l’arrivée à Langres, ville d’Art et d’Histoire qu’il vaut mieux éviter l’hiver à cause du froid.
Je me déplace de 90 degrés autour de la table et je peux débuter d’autres voyages. Je place devant moi l’ordinateur, mes archives photographiques, mes cartes routières et mes journaux de bord. Comme je le dis souvent : le meilleur dans les voyages, c’est de les préparer et de les raconter. Malheureusement, il faut les faire pour avoir quelque chose à dire. Là, vous allez pouvoir épater les copains lorsqu’ils seront plongés dans la lecture de vos exploits : « Ben, il a fait ça ! », « Incroyable ce qu’il a pu découvrir comme souvenirs du passé… », « Quel temps épouvantable il a dû subir ! » « Bizarres, mais passionnantes ses rencontres ! ». Adieu la modestie !
Ce matin, j’ai rêvé de « dé ». Défiler, déambuler, décamper, Décathlon (non, ça, ce n’est pas un verbe !), débrider, débrouiller, décider (liberté, liberté chérie), décloisonner, débarrasser (virer son masque), débiner (mon voisin est sorti pour acheter seulement du Coca), décomprimer, décompresser, débattre, débagouler (bla, bla, bla…), débloquer et, bien sûr, déconfiner. Cela a un son agréable aux oreilles, les verbes en « dé ».
Je viens d’imaginer une nouvelle version de l’attestation de déplacement dérogatoire. Je voyais une ligne supplémentaire « déplacement obligatoire à travers toute la France à pied ou à vélo pour raisons psychologiques ». J’ai dû rêver !
Fable de Jean de la Foutaise
Le virus, les nuls et l’âne




J’ai lu dans un journal qu’un tout petit virus,
Désolé qu’un quidam le prît pour un minus,
Contre le monde entier partit un jour en guerre :
« On me prend pour un rien ? Ah, ah, la belle affaire !
« À ces terriens vantards, montrons notre pouvoir
« Et effrayons-les tous du matin jusqu’au soir ! »
Il faut, si m’en croyez, comprendre sa colère :
Il venait parmi nous, gentil, comme un grand frère,
Juste pour taquiner un peu notre santé,
Et voilà qu’on le prend pour une nullité,
Pour un microbe vain, excrément de la terre,
À qui on rit au nez quand il faudrait se taire…
Un savant avait dit : « N’ayez aucun tracas :
« Pour un Chinois qui meurt, ne nous affolons pas !
— Bigre ! », dit le virus, « J’arrête mes vacances
« Et je vais de ce pas mettre le monde en transes ! »
Car appeler microbe un virus, c’est vraiment
L’injure qui vous change un virus en dément !
Alors, du nord au sud, et sur toute la terre,
Notre virus vexé déclenche sa colère ;
Il ne se contient plus, et ivre de fureur,
Il sème par le monde une invincible peur.
Les nuls qui savent tout et oublient de se taire
Se mirent à parler ; « Ah ! Croyez-moi, ma chère,
Un savant professeur a trouvé les vaccins
Qui en huit jours, pas plus, nous rendront saufs et sains ! »
Un autre je-sais-tout, qui passait à la ronde,
Et qui croyait tenir tout le savoir du monde,
Disait d’un ton hautain : « Moi, je prends les paris !
« La guérison viendra des savants de Paris :
« On sait qu’il n’est bon bec que de la capitale :
« Avec eux, dans un mois, ne restera que dalle
« De toutes ces frayeurs et de nos maux présents ! »
À la télé, aussi, en mille boniments,
On parlait pour parler, on contait des histoires
Et en mille discours toujours contradictoires,
L’un annonçait des morts par milliards ou millions,
Quand un autre disait : « Peut-être par bilions ! »
Un autre nul savait que toutes les victimes
Étaient des schnocks frappés dans leur vieillesse ultime :
« Les jeunes, voyez-vous, s’en tireront toujours ! »
Et le virus, vexé, s’en prit aussi aux jours
Du jeune baladin jusqu’au quadragénaire
À qui sans distinction il réglait leur affaire.
Les profs parlaient aussi, et à cri et à cor,
Ils expliquaient surtout leur profond désaccord.
L’un disait être sûr que la coronarine
Tuerait mieux le virus que la pénicilline ;
Un autre répliquait (c’était un grand savant)
Qu’il misait avant tout sur le confinement,
À condition qu’on prît avec de la bourrache
Une décoction de salade de mâche !
La télé s’empara de ces propos divers
Et vous les répandit à travers l’univers,
En transformant la peur déjà toute puissante
En une terreur vaste, horrible, envahissante.
C’est ce que de nos jours, on appelle « informer » !
Et pour informer plus, sans mesure affirmer
Le plus avec le moins, le tout et son contraire,
Le blanc avec le noir, les deux qui font la paire,
Et tous les racontars, dont nul n’est bien certain
Et dont on nous repaît du soir jusqu’au matin !
Un âne qui lisait le Fig-haro Madame,
Me livra sagement son petit état d’âme :
Âne comme il était, il trouvait anormal
Qu’il eût à discuter du virus et du mal !
Comme il ne savait rien de l’un comme de l’autre,
Il préférait se taire en mangeant son épeautre,
Et laisser ces quidams, qui passaient tout leur temps
À disserter sur tout, jouer aux gens savants…
« Je suis âne, il est vrai, j’en conviens, je l’avoue ;
« Mais que le monde entier ou me blâme ou me loue,
« Lorsque je ne sais pas, ma foi, je ne dis rien ! »
C’est ce que fit ce sage : il le fit et fit bien !
Paul FABRE (alias Jean de la Foutaise)
Spécial confinement
Camper dans son jardin
Malgré ces temps de confinement, les Amis du Randonneur ne désespèrent pas et profitent du beau temps pour randonner en cyclo-camping dans des contrées lointaines, tel notre ami Hervé Artus de Chauny (02), qui voyage actuellement au Cul-de-Sac-du-Jardin, région hautement à risques, d’après les voyageurs qui s’y sont déjà aventurés !
Nous lui souhaitons bonne chance pour sa traversée et espérons recueillir de cette expédition un récit qui nous tiendra en haleine, soyons-en sûrs !


Coronavirus, “journal de guerre” de Heffe
Sous le pseudo de ” Michel Heffe ” , Félix, illustrateur de notre revue, tient depuis une quinzaine un “journal de guerre” (puisque c’est le gros mot utilisé par notre Président), un regard amusé et illustré – bien sûr – sur les pauvres confinés.
Vous pouvez aussi le voir sur sa page Facebook Michel Heffe.

Les humeurs de la Marquise
(texte publié dans le numéro 68 de septembre 2018)
Ici,pour lire pleine page cet article