Voici des Ailes
Coïncidence ; au moment où notre amie Roulement à Billes mettait le nez dans les livres pour nous offrir des perles littéraires et vélocipédiques, notre ami Alain Famelart découvrait Voici des Ailes, roman de Maurice Leblanc – pas encore connu pour la narration des aventures de son célèbre personnage : Arsène Lupin –, et a voulu ensuite partager l’enthousiasme de sa découverte avec les Amis du Randonneur.
L’ami Daniel Curtit nous a fait un bien sympathique cadeau dans le numéro 77 du Randonneur, en abordant le thème de la femme et de la bicyclette à la fin du XIXe siècle. Et de citer ce ravissant ouvrage de Maurice Leblanc, Voici des ailes. Hasard ou prémonition, je venais justement d’acquérir un exemplaire de cet ouvrage, et de m’en régaler, lors d’une après-midi pluvieuse. Paru en 1898, dans une superbe édition illustrée, l’ouvrage a été réédité chez Phébus en 1999, hélas sans ses bien libres illustrations de Lucien Métivet, mais préfacé par le facétieux Antoine de Caunes, amateur éclairé de la petite reine :
« Quel magnifique projet que celui de Voici des ailes, qui se propose de vanter les mérites conjoints et respectifs de la femme et de la bicyclette, et de ceux, gentlemen pas encore cambrioleurs qui les montent. Et puisqu’aussi bien nous voilà en présence du premier roman répertorié de la littérature cyclopédique* – en avance de deux ans (comme Arsène le sera toujours vis-à-vis du vieux Sherlock) sur le très britannique Trois hommes et un vélo de Jerome K. Jerome qui lui, confortant les préjugés futurs d’une Édith Cresson, préfère laisser ses gentlemen entre eux sur leurs petites reines –, saluons le courageux livre de notre Leblanc national comme la pierre fondatrice d’un genre où s’illustreront bien plus tard, bien que sur un ton plus gouailleur, les Blondin et autres Audiard. Car ici l’amour de la bicyclette et l’amour tout court sont destinés à faire bon ménage. Ou plutôt c’est la bicyclette, celle qui donne des ailes aux jambes, et aux sentiments, qui va se charger de remettre un peu d’ordre dans des ménages mal assortis. »
Comme le chantait si bien Yves Montand, dans La Bicyclette :
On était tous amoureux d’elle
On se sentait pousser des ailes
À bicyclette.
Ou bien comme l’écrivait Philippe Delerm dans La bicyclette et le vélo, extrait de Quelques gorgées de bière et autres plaisirs minuscules (Gallimard, 1997) :
« On naît bicyclette ou vélo, c’est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d’eux-mêmes pour aimer – car on n’est amoureux qu’à bicyclette. »
En 1898, la pratique du vélo est alors affaire avant tout des classes aisées, avant d’être supplantée par la pratique de l’automobile. On se gaussera de constater, que, plus d’un siècle plus tard, ce sont surtout des citadins, aisés et cultivés, qui remettront l’usage de la petite reine à la mode. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.
*NDLR : Il semblerait qu’Antoine de Caunes se trompe et ne connaisse pas Le Tour du monde en vélocipède, illustré par Félix Régamey, paru en 1869, roman imaginaire lui aussi. Peut-être qu’il y a plus ancien ? L’avis des spécialistes sera le bienvenu !
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