Plus de cinquante récits de voyage recensés cette année par mon ami Hervé, une bonne année donc, dont il convient d’extraire la substantifique moelle … Pas facile, beaucoup de parutions en fin d’année civile, des titres difficilement accessibles, un temps de lecture pas forcément extensible ! Cette nouvelle sélection annuelle est forcément imparfaite, subjective, pourquoi pas injuste, mais elle traduit bien, au-delà de toutes ses limites, la grande diversité de styles, de destinations, de motivations, qui fait du récit de voyage à bicyclette un véritable genre littéraire. Lisez, voyagez, rêvez !
Jean-Yves Mounier
Yannick Billard
Dans la roue du Petit Prince
250 pages, 12,90 €, Transboréal
Par le hublot d’un avion, le père de famille aperçoit, au-dessus du Sahara, un minuscule point lumineux. Et si c’était le le petit prince ? De cette interrogation, de la fascination pour le roman de Saint-Exupéry, va naître le projet de partir en famille sur les traces des pionniers de l’Aérospatiale, avec Le Petit Prince comme fil conducteur.
Yannick, sa femme et ses trois enfants vont pédaler six mois durant en direction de la Casamance, vivant une expérience familiale hors du commun, une expérience de vie dont ils reviendront changés, épanouis, ouverts aux autres comme à eux-mêmes et remplis d’une humanité propice à affronter une existence plus conventionnelle.
Présenté dans Le Randonneur n° 77 de septembre 2021, ce récit charme par sa poésie, l’originalité de sa démarche et la fluidité sensible de son écriture, offrant au lecteur une belle rencontre avec une famille attachante.
Valentin Chapalain
L’appel du Grand Nørd
260 pages, 21,90 €, Autoédition disponible auprès de l’auteur.
Valentin a un rêve depuis qu’il est tout petit : découvrir les grands espaces de Scandinavie et, pour ce faire, quel meilleur moyen que de partir à bicyclette pour s’en aller voir, tout là-haut, et répondre à l’appel du Grand Nørd ?
Comme de nombreux voyageurs actuels, Valentin va mettre à l’épreuve sa fibre citoyenne en entretenant des relations régulières avec des écoliers, il va quotidiennement ramasser des déchets le long de sa route mais, surtout, il va mettre à l’épreuve son goût des rencontres – on parle souvent du caractère rugueux des Scandinaves – et son amour pour la nature, exigeante dans ces contrées nordiques mais ô combien authentique.
Ouvrir ce livre, c’est partir à l’aventure avec Valentin qui nous emporte avec talent, sincérité et chaleur, dans ses sacoches pour découvrir des lieux et des personnages hors du commun. Au risque de ne plus pouvoir le refermer avant sa conclusion…
Thibault Clémenceau
Un duo vers l’inconnu
418 pages, 18,99 €, Autoédition disponible auprès de l’auteur.
De chez moi à chez toi à vélo, quoi de plus banal ? Sauf, peut-être, quand lui, Thibault, est français et qu’elle, Khanh Nguyen, est vietnamienne, qu’ils viennent de se marier et de décider d’aller de chez l’un à chez l’autre à bicyclette !
Un an, seize mille kilomètres, une sacrée mise à l’épreuve pour ce jeune couple qui, après avoir convaincu les familles respectives, va peaufiner son projet, intitulé Non La, du nom de ces chapeaux coniques omniprésents au Vietnam. Collecte de fonds pour une école, choix de l’itinéraire fortement influencé par la situation géopolitique puis sanitaire, péripéties familiales vont ponctuer un voyage atypique, du fait de la composition du couple, et laissant le temps de découvrir, de se faire sa propre opinion, au risque d’être déçu faute d’avoir trouvé les plus belles choses.
Volontairement écrit à partir des souvenirs et des photos et non, comme souvent, autour des notes prises pendant le voyage, ce récit nous présente un couple d’une grande générosité et qui sait porter sur les aléas de la vie un regard lucide mais optimiste, se concluant par cette injonction propre à éclairer l’existence : Deviens ce que tu es.
Anne Clémencet-David
À vélo sur les Chemins bretons de Compostelle
243 pages, 19,50 €, Autoédition disponible auprès de l’autrice.
Il est de coutume de dire qu’il y a autant de chemins de Compostelle qu’il y a de pèlerins. Itinéraires principaux, secondaires, de jonction, selon le point de départ, ils sont plus ou moins connus, balisés, empruntés. Anne les connaît bien, elle qui « pèlerine » depuis plus de trente ans et défend à travers ses ouvrages la diversité des pratiques, des moyens de transport, des durées de marche ou de pédalage.
Qu’en est-il de la Bretagne et de ses trois itinéraires principaux, plus ou moins historiques ? Sont-ils vraiment accessibles, quelles traces laissent-ils sur le terrain ou bien dans le quotidien des riverains de ces chemins ? Autant de questions auxquelles Anne, son VAE et son fourgon, tente de répondre dans cet ouvrage qui vient quelque peu dépoussiérer la « mythologie » du pèlerinage vers Saint-Jacques.
D’un humour discret mais toujours de bon aloi, revenant régulièrement à de précédentes expériences, sachant traduire un amour délicat pour la Bretagne, Anne nous invite ici, au-delà des limites géographiques, à nous faire pèlerins et à aller voir ce qu’est le Chemin pour nous !
Dean Nicholson
Le monde selon Nala
320 pages, 18,90 €, City Éditions
Parler de « feel good » est devenu un lieu commun, que ce soit en matière cinématographique, littéraire ou sur les réseaux dits sociaux qui en font leurs choux gras. Dans ce segment, les animaux jouent un rôle important et il n’est pas rare que, pour provoquer quelques clics « populaires » supplémentaires, les animaux soient mis en avant, à commencer par les chats.
De là à soupçonner, dans ce récit, un coup commercial en mettant en valeur Nala, petite chatte trouvée abandonnée au bord de la route, au centre de ce récit de tour du monde à bicyclette, il n’y a qu’un pas… Qu’il serait cependant réducteur de franchir, tant la narration de cette aventure va au-delà de cette tentation éditoriale et invite le lecteur à s’attendre à l’inattendu.
Qu’il soit ailurophile ou simple amoureux de la petite reine, chacun saura trouver dans ce livre généreux et rempli de bons sentiments une raison supplémentaire de ne pas se laisser aller à la morosité ambiante.