Le Randonneur

Photos de la rencontre dans la Manche

« Les Cotentines« 

Du 17 au 20 septembre 2020 à Valognes

Le Cotentin comme une île.

Les Cotentines
A deux, c’est mieux (Photos de Claude Guillemette)

Je suis allé revoir sa Normandie

Lors de la rencontre « Aubracœur » 2019, j’avais longuement échangé avec Claude sur cette étrange langue de terre qui s’élance à l’assaut de la Manche. Nous roulions de concert sur la route de Nasbinals, avec un vent arrière bien agréable, un soleil rasant caressait la moindre ondulation du plateau de l’Aubrac ; Claude était intarissable. Je l’écoutais sans en perdre une bribe, mon corps en Lozère, mon esprit déjà perdu dans le Cotentin ! La Normandie de Claude, c’est Carentan et ses marais bien sûr, mais aussi, Barneville, la Hague, Cherbourg, Barfleur, Saint-Vaast-la-Hougue, etc.

Puis, quelques jours plus tard, une carte postale venue des « Cotentines », riche de signatures amies, nous parvient en Cévennes comme une invite à redécouvrir cette presqu’île déjà parcourue en 2006 lors de la 8ème rencontre nationale.

Nous voici donc à Valognes pour cette nouvelle édition des Cotentines. Claude et Roland sont à la manœuvre bien secondés par quelques randonneurs locaux. Dès la sortie de la ville, un premier arrêt afin de visiter les ruines romaines d’Alauna. Sur ce site historique de sa commune, Brigitte se souvient même d’une sortie de classe, en CM1. Quelques arpents plus loin, c’est le hangar à dirigeables d’Écausseville qui nous surprend. Par son passé et sa taille bien sûr (150 m de long, 40 m de large, 31 m de haut), mais aussi par son contenu. Le musée à proximité retrace cent ans d’histoire avec trois conflits majeurs : 1914-1918, 1939-1945 et la guerre froide. En cette année bien particulière, il abrite les véhicules prévus pour le salon de l’auto de Paris, lui aussi annulé. Nous faisons également une halte au mémorial de La Fière face aux paisibles marais qui furent ensanglantés par les combats des 6 au 9 juin 1944. La pause déjeuner se déroule à Sainte-Mère-Église autour de sa médiatique église. Le commerce lié au tourisme militaire me gêne, me dérange… Ces jeunes gens issus de contrées lointaines venus perdre leur vie sur une plage normande méritent plus de respect, plus de dignité.

Notre progression nous conduit à Utah Beach, puis sur la plage où le général Leclerc et ses hommes de la 2e DB ont débarqué, fidèles au serment de Koufra lancé le 1er mars 1941 : « Jurons de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». Ce qui s’appelle avoir une vision de l’avenir. Sur le chemin du retour nous longeons la côte ventée à souhait. La biscuiterie de Quinéville apporte une once de douceur à nos pédalées heurtées et contrariées. Nous reprenons la route après cette halte bienfaitrice ; Brigitte nous propose alors, par des venelles et sentes herbeuses, de découvrir la chapelle Saint-Michel-de-Lestre, du moins les vestiges de cet édifice religieux, nichés dans les bois, mais bénéficiant d’une belle ouverture sur la mer toute proche. 

En fin d’après-midi le couple Millet nous propose une « garden-party » sur la pelouse du camping à l’occasion des quatre fois vingt ans de Roger. Boissons liquoreuses et émotions ont accompagné notre ami orléanais pour passer ce cap dans la joie. « Il souhaitait fêter cet anniversaire avec ses amis du Randonneur », dixit Claude.

Le deuxième jour, notre route buissonnière s’enfonce rapidement dans le bocage sur de toutes petites routes bien bosselées. Le belvédère de La Pernelle (123 m) délivre une belle lecture de paysage sur la côte est. Le site est particulièrement attachant, et la terrasse du restaurant qui jouxte fort alléchante ! Pour définir ce lieu hors du commun, René Bazin écrivait cela : « Nulle part, le rire de la Terre n’est plus éclatant que dans cette belle campagne du Val de Saire que l’on découvre du haut de La Pernelle ».

Les grandes marées se sont aussi invitées aux Cotentines. Depuis la chapelle des pêcheurs de Saint-Vaast, nous nous délectons des huîtres, mais aussi des vagues balayant la digue menant à la citadelle de la Hougue. Mais nous ne savions pas que nous allions l’emprunter dans l’instant suivant ! C’était de la thalassothérapie version Le Randonneur. Dans cette asthénosphère humide et iodée, Marie-Lou musarde, prenant une photo par ici, admirant une vague par là, mais Roland en bon serre-file veille au grain. Rendez-vous compte si nous avions perdu notre chère « Sénatrice » et sa randonneuse « Singer » dans les flots déchaînés ?  L’île de Tatihou, demeure imprenable dans cette mer en furie. En soirée nos amis normands nous proposent huîtres et bulots, un régal pour nos papilles toujours en éveil !

Le jour suivant, une pluie soutenue altère les ardeurs du groupe. Claude en bon viking normand ordonne le départ sous des ponchos ruisselants. Passés les derniers faubourgs, nos pneus chuintent toujours mais les imperméables sont rangés au fond des sacoches, et ce, jusqu’à notre retour. Notre cheminement entre à nouveau dans le bocage sur d’étroites routes bordées de hautes haies. Quelques feuilles mortes virevoltent dans l’espace puis se figent sur l’asphalte humide comme un prélude à l’automne. Dans ces instants de langueur où la mélancolie envahit l’esprit, Christine se plaît à déclamer cette citation de Victor Hugo : « l’été qui s’enfuit est un ami qui part… ». L’abbaye de Bricquebec nous retient quelques instants : la chapelle au dénuement cistercien, mais aussi pour certains, la boutique monastique. Carteret nous accueille, la rude montée au sémaphore s’impose comme une évidence. Un large tour d’horizon s’ouvre à nos yeux toujours en demande. Une brume persistante réduit le champ de vision mais les îles anglo-normandes se dévoilent un tantinet. Pour apercevoir les Amériques, il me faudra revenir une nouvelle fois ! Portbail pour la pause-café me remémore les souvenirs de la rencontre nationale de 2006 à Blainville-sur-Mer… Volontairement, je néglige cet arrêt afin de parcourir le « havre » en tous sens dans une lumière blafarde guère propice à la photographie. Des images vieilles de quatorze années ressurgissent spontanément de ma mémoire. À l’heure du goûter, Saint-Sauveur-le-Vicomte nous propose une nouvelle page d’histoire. À Valognes avant de regagner nos pénates de plein air, dans le cadre des journées du Patrimoine, nous nous intéressons au bel hôtel particulier de Beaumont qui fait face au musée régional du cidre.

En soirée, le traditionnel banquet fut servi dans les salons d’un hôtel très particulier du centre ancien de la bourgade, et ce, dans une chaude ambiance. Bien entendu, les mets et breuvages portaient le label « made in Normandie », venus de l’abbaye de Bricquebec. Un grand merci à nos hôtes d’un soir. Afin de clore en beauté cette soirée festive, cette tranche de vie non remboursée par l’Assurance Maladie, Christine avec sa voix claire et chaude du Midi récite « l’accent » poème extrait de la Fleur Merveilleuse de Miguel Zamacoïs.

Pour la dernière journée, c’est cap au Nord (et non au Cap Nord ! nuance) ; Cherbourg et son port, la Cité de la Mer et la carcasse inerte du « Redoutable » gisant sur un lit de galets à sec. Mais cette année, l’attraction c’était l’ascension de la montagne du Roule. Une grimpée de l’Alpe d’Huez en miniature ! Depuis ce belvédère, la ville dévoile tous ses aspects, face à la Manche et à l’Angleterre. Plus exactement à l’île de Wight qui dans les années 70 avait fait souffler un vent de fraîcheur sur notre jeunesse.

Les 35 participants se sont retirés enchantés. À noter que la gente féminine présentait un léger ascendant dans ce joyeux groupe. Comme quoi, nul besoin de grand discours, les féminines ont toute leur place dans le Cyclotourisme. Pour cela, il suffit de rouler à une allure modérée et de lever les yeux afin d’apprécier les merveilles qui nous entourent. Un immense merci à Brigitte et Marc Jeanne, Dominique Mutel, Roland Delaunay, le bon Samaritain, et Claude Guillemette, le Viking, initiateurs de cette belle rencontre. Dominique résidante de Quettehou et Brigitte native de Valognes ont apporté un supplément d’âme à ces intenses journées dans la bucolique campagne du Cotentin où les stigmates des événements de juin 1944 nous rappellent à chaque instant toutes les horreurs de la guerre.

Vivement les 9e Cotentines (Brigitte et Marc sont déjà aux fourneaux !) !

                                                                                                                                                                                                                                                       Guy CAMBÉSSÈDES

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